Rencontre (suite) par JF Le Scour

Attention de ne pas monter les uns sur les autres, les uns contre les autres… On ne va pas faire des cases avec les danseurs, les musiciens… les plasticiens, les visiteurs, qui parlent, qui passent, qui s’arrêtent, qui se grattent le nez !!! L’image « sculpture sociale » est une belle image… Oui ! Surtout qu’une sculpture peut bouger, faire du bruit, se transformer. Si on se reporte à la définition de « __social » :  « Relatif à la vie des hommes en société » . Et comme l’époque à tendance à faire de la « casse » et du « réseau »… social. Il me parait assez judicieux de la tenter avec nos « faires »… dans la rue « à côté » !! C’est l’ensemble de ce qui se passe « à côté » qui fait sculpture sociale.

Je crois que ce n’est pas la notion de rythme qu’il faut ramener ! Juste le temps. Le prendre le temps, faire avec le temps. On voit bien que le temps du samedi après-midi « à côté », n’est pas celui du père qui dit à sa fille « bon, maintenant, on y va, pose la craie ». Là, c’est le temps de celui qui pianote sur son téléphone. Le temps de Sylvaine qui a répété ses 30 textes à coup de 3 par samedi, pendant un an… Chacun son temps. Comme chacun son « à côté ». Ce temps est aussi celui qui fera « à côté »… continuer de « faire laisser faire » nécessite du temps. Ce temps pour laisser l’autre entrer dans le périmètre d’ »à côté », le laisser observer ce qui se passe… ou pas, le laisser avoir envie de rester… de faire, de revenir !!

Les raisons de venir « à côté » sont différentes pour chacun. Aucune condition n’est à tenir… juste une responsabilité de faire. Tant que le « faire laisser faire » sera là et que chacun interviendra en cherchant à faire bouger sa proposition. Que l’autre, « le regardeur » par la parole ou l’écrit renverra un propos, « à côté » sera dans une dynamique nécessaire pour déplacer la donne. Chacun influençant l’autre, que ce soit d’artiste à artiste, artiste à visiteur ou visiteur à artiste. Ce n’est pas l’accord de chacun qui est nécessaire, juste se rappeler que rien n’est donné comme définitif. Le mouvement est dans le temps.

Qu’est-ce qui va devenir ?

Qu’est-ce qui peut se passer ?

Qu’est-ce qui se passera samedi prochain ?

Aucune promesse n’est à tenir, ni n’est tenue… juste un vague programme, histoire de garnir la fenêtre internet ! C’est seulement après lors de la soupe que nous discutons de ce qui s’est passé. Et depuis peu, ces textes initiés par MARIO, sur les quels je réagis… Qu’est-ce qui se construit ? Nous sommes la tête, le corps… dedans. Seul ces moments d’écriture font qu’un pas de recul semble être pris. Par ces « aller-retours », une autre forme d’échange se fait dont MARIO et moi semblons avoir besoin. On pourra dans l’avenir relire ces textes ou revenir dessus. Sans oublier de regarder les photos qui documentent ces samedis… pour nous rappeler la « réalité ».

Qui sait se qui se passera ? « Faire laisser faire ». Patience… Du temps !!

Laisser avoir envie de rester… de faire !!

Rencontre par par Mario Horenstein

« Comment celui qui fait, qui propose avec son corps, arrive à rencontrer l’autre » (verbatim jf d’acote.be). Il n’est pas le seul à avoir ce type de préoccupation et à lier activité artistique avec communication, dialogue, expression, dans un meilleurisme, au service de l’autre, voir au service du peuple. L’utopie Jossetiste est à côté de l’autre -c’est-à-dire quoi ?
Etre à côté n’est pas être ailleurs dans un éloignement protecteur, mais ce n’est pas non plus être avec (mettre en branle le transfert, contra transfert, l’empathie ou le mimétisme) pour dialoguer puisque l’humain est à l’image de notre président : « Des propos sont sans rapport avec la réalité de ma pensée comme avec la ligne de conduite et d’action que je me suis fixée » ou celles de Marie-France Garaud : « Vous savez, les hommes sont tous les mêmes. Ils promettent, ils promettent, et puis après, ils oublient… ». Bref, tout est affaire de contexte. Etre à côté de l’autre ce n’est pas être devant pour lui montrer le chemin (attitude pédagogique), ni derrière lui pour le pousser hors du trou (attitude thérapeutique). Ce n’est pas non plus être excentré : « Excentricité » au sens originel du terme, devant à la géométrie : ce qui est à l’écart ou, plutôt, ce qui, pour s’installer au cœur des choses, s’avère cependant comme n’y étant pas à sa place », « ni extravagance ni singularité polémique » (ESSE).
Acote.be s’inscrit dans la filiation du Réalisme au 19éme siècle (Courbet: « Je suis mon propre gouvernement »), de l’art contextuel du XX (« L’échappée au plus loin des structures instituées ». « L’art doit être hic et nunc, corrélé aux choses de tous les jours, en relation étroite avec, précisément, le « contexte ». « Faire advenir l’art, non plus tant au travers de représentations, que par le biais d’une pratique de la présentation » et de l’art inorganique du XXI (« L’art urbain « inorganique » se produit en somme pour l’essentiel comme entrave. Il oblige à regarder où l’on ne souhaitait pas regarder, il freine la marche, l’arrête parfois. »). Mais en étant farouchement opposé à l’idéologie du divertissement, se défiant de toute forme d’animation culturelle et constatant la facilité avec laquelle « l’art public non programmé (ou faussement non programmé) est devenu aussi un lieu commun de la création plastique contemporaine », acote.be c’est mis à côté. La scissure cherche à surmonter le paradoxe entre autonomie (« la ville comme territoire personnel d’expérimentation, atelier en direct, surface topographico-physique de création ») et volonté relationnelle (même si elle est problématisée) ou le choix entre « être réduit au statut de mobilier urbain » ou « l’irruption dans la ville d’un art absolument autonome, en complet décalage. Un art, cette fois, ne servant à rien de précis ni qui que ce soit ». L’art dans la ville ou pour la ville ? Acote.be s’en sort par une pirouette dialectique en intégrant les différentes postures dans une synthèse (ou patchwork postmoderne) symbolisé par le « laisser, laisser faire ». Quitte à marcher dans la ville (la ville est un puissant inséminateur sensoriel), il s’agira donc d’observer, mais à côté, de biais, en laissant se frictionner organisation publique et désordre privé, abondance et précarité, réel et virtuel, hommes et femmes, jeunes et vieux, athées et monothéistes (peut être pas tous, la discussion est en cours !), dans l’espoir d’éviter la « constipation esthétique » et s’inscrire dans un art comme « formule de déconditionnement esthétique », créer pour le pur plaisir de la création (pas pour favoriser la consommation à rue Charonne ou attirer les touristes de la Bastille, même si certains ne sont pas hostiles à favoriser la venue de certains collectionneurs d’art). Cette pulsion participative ou « agorétique » ne relève pas de l’intersubjectivité mais de la co-présence à soi mais dans un ensemble « la sculpture sociale ».

Etre à côté dans la sculpture sociale c’est être proche mais clivé où l’interaction à plus avoir avec la simultanéité et le rythme que avec le langage et sans prééminence de l’autre sur les objets readymade ou chorégraphiques, dans une écologie anthropurbaine qui approfondit la vue du corps comme champ de forces relationnelles en mouvement. En quelque sorte c’est de l’hybride qu’il s’agit d’explorer, la triangulation performeur/objets/passant-participant pour aboutir à une autre triangulation : mouvement, corps, pensée.
L’éthique relationnelle de la pulsion participative commence comme on peut le constater dans la présente vidéo par l’observation de l’expérience de la pulsation dans son propre corps : la respiratoire, la cardiaque, la gastrique et la cognitive, suivie par le constat de la simultanéité entre perception intéroceptive et mouvements corporels (pied qui touche le sol, intervalle temporel des pas), suivie par l’observation d’où, quand et comment on place l’attention dans le temps et dans l’espace. Quand l’attention focalise sur l’autre (personne, objet, animale etc.), on se connecte à sont rythme (gestes, pas, paroles, contacte visuel etc.). Une fois acquise la simultanéité entre rythmes externes et internes nous pouvons varier les modalités sensorielles (vision tactile, audition) et la synchronicité des mouvements (mobilité, immobilité). La position dans l’espace va avoir un rôle fondamental dans la complexité de la relation. Le face à face permet d’expérimenter plus clairement l’alternance entre les différents rythmes, être devant ou derrière l’autre favorise par désorientation la variabilité dans la force des mouvements, tandis qu’être à côté de l’autre favorise le plus grand engagement dans la simultanéité et l’émergence d’une plus grande complexité dans la relation. L’émergence d’un champ rythmique, la tension entre oppositions (pulsations, répétitions, alternances), les relations entre fluidité et forme du mouvement, nous orientent sur l’état de conscience ou modes d’attention engagés.
Le poids des plasticiens au sein d’acote.be, fait que nous parlons de sculpture sociale (peut être aussi ceux qui voudront susciter par l’art une prise de conscience politico-sociale) mais il serait souhaitable à mes yeux (il faudrait que les musicien prennent partie) de parler plutôt de champ rythmique Jossetiste (moins massif et mobile qu’une sculpture).

 

Ce texte a été écrit par Mario Horenstein, le 26 octobre 2016 sur son fb
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